Psychomotricité

Chacun de nous a sa "psychomotricité".
Elle se façonne au cours de notre enfance et s’enrichit de toutes nos expériences, tout au long de notre vie.
Nous avons tous a une façon particulière de nous mouvoir, un rythme, une tonicité qui nous est propre, une façon d’exprimer nos émotions.
Notre vécu corporel est unique, singulier en fonction de notre histoire personnelle.

Au tout début de la vie, c’est par son corps et ses différentes sensibilités que le bébé entre en contact avec le monde extérieur et commence à se relier aux autres.

 

Nous savons qu’au cours de son développement psychomoteur le jeune enfant enrichit ses capacités motrices par les interactions avec son entourage et les stimulations de son environnement.
Le jeune enfant prend conscience petit à petit de son corps, structure son schéma corporel, se forme une représentation de son corps unifiée. Il prend conscience de l’espace qui l’entoure et va petit à petit inscrire ses actions dans le déroulement du temps.

Ce développement psychomoteur sera la base sur laquelle se développera son langage et ses apprentissages.

L’enfant sourd franchit les mêmes étapes dans son développement qu’un enfant "entendant".
Mais, il les franchit de façon particulière selon le degré de sa surdité, selon son appareillage, selon les aides dont il bénéficie.

Malgré ces variabilités quelques généralités peuvent être dégagées :

Surdité et développement psychomoteur :

La surdité aura des conséquences :

  • Sur la constitution de l’entité corporelle de l’enfant,
  • sur sa tonicité,
  • sur la représentation de son espace environnant,
  • sur sa représentation du temps.

Entité corporelle : 

L’enveloppe sonore entourant le jeune enfant est composée des voix familières, des sons et des bruits bien identifiés de son environnement le plus proche. Elle contribue pour une part importante à constituer son "enveloppe corporelle". Elle a un rôle dans le fait que l’enfant se sente "contenu", sécurisé dans son propre corps et dans ses relations avec les autres.
La surdité par le manque sensoriel qu’elle procure, est considérée comme une atteinte à cette enveloppe corporelle.
Elle aura des conséquences dans la façon dont l’enfant percevra et se représentera son propre corps. Des répercussions pourront être repérées au niveau de son équilibre, au niveau de son schéma corporel, au niveau de son "image du corps".
Du point de vue de son intégrité corporelle, l’enfant se sentira moins "unifié", moins assuré dans ses perceptions et sa motricité. Il devra développer d’autres sens pour pallier à ce manque.

Tonicité :

En situation de communication langagière, l’enfant est en difficulté pour comprendre les paroles de son entourage et pour se faire comprendre.
Il n’a pas les mots pour identifier ses émotions, ni pour les exprimer .
Il peut réagir à toutes ces difficultés par une "hyper" tonicité. Il peut être tendu au niveau de ses organes phonatoires ; Il a du mal à moduler sa voix et peut crier quand son langage n’est pas encore développé.
Ses gestes sont souvent, vifs, impatients, tendus. Il semble décharger ses tensions par une motricité "explosive", hyperactive.
Cette "hyper" tonicité peut être comprise comme "un trop-plein" qui ne peut pas encore s’exprimer. Elle peut être considérée comme une "défense" mise en place par l’enfant devant les situations qu’il ne comprend pas et qu’il ne peut maîtriser.

L’attitude générale du corps et le regard peuvent être aussi affectés. L’enfant peut être dans l’évitement de l’autre par une attitude repliée sur lui même ou par un regard fuyant.

Appréhension du temps :

L’enfant sourd paraît souvent sur le qui-vive. Les évènements lui arrivent sans qu’il en ait entendu les prémices et sans qu’il ait pu les anticiper.
L’enchaînement logique des actions ne lui est pas toujours accessible et n’est pas toujours pleinement compris ; Il peut être interprété par l’enfant de façon singulière et partielle.

Il a lui-même, un vécu différent du déroulement de ses actions et de leur durée.
Il paraît vivre "dans l’instant". Il veut faire "tout de suite". Il a du mal à différer ses envies et ses actions.
Les activités entreprises sont de courte durée et paraissent vite "expédiées".
Les repères de temps fondamentaux, "sociaux" sont longs à se mettre en place.         
Ses capacités à s’adapter à un rythme musical sont souvent perturbées.

Son appréhension de l’espace est différente également.

L’audition permet de nous constituer "un espace sonore" reconnaissable,identifiable.  
Cet espace sonore joue un rôle très important dans la perception et la représentation de l’espace environnant. Il est constitué de la voix des proches, de leurs pas, de leur rapprochement, de leur éloignement. L’espace sonore permet la représentation des distances des déplacements d’objets, de leur volume, de leur vitesse, etc...
L’ enfant sourd perçoit avec difficulté l’orientation des sources sonores qu’elles soient fixes ou en mouvement. Sa perception des distances est souvent modifiée. 
La nature des bruits n’est pas toujours identifiée. Le bruit "à distance" survenu dans un espace inconnu est inquiétant.
Le jeune enfant éprouve souvent le besoin de revoir l’endroit qu’il vient de quitter comme pour vérifier si les choses vues sont bien là, permanentes.

Dans sa façon de se mouvoir et d’explorer l’espace, il lui arrive de se cogner aux objets, aux meubles, aux encadrements de portes. Il semble chercher leurs limites de façon tangible comme pour mieux sentir en retour les limites de son propre corps. Il marche en tapant des pieds. Quand il joue, il se confronte intensément au matériel qu’il utilise ; Il recherche le contact des surfaces avec tout son corps. Il manipule les objets brusquement comme pour mieux intégrer dans sa proprioception leur résonance, leur densité, leur poids.

L’enfant devra compenser par d’autres sens cette privation sensorielle.

Pour compenser cette privation sensorielle, certains enfants développeront des points forts comme le sens de l’observation. Certains seront très expressifs sur le plan de la mimique et de la gestualité. Certains s’exprimeront de façon préférentielle par le dessin ou par une activité sportive.

D’autres seront plus en difficulté dans cette compensation.

Pour ces enfants en grande difficulté, la psychomotricienne pourra proposer un accompagnement.

Accompagnement psychomoteur de l’enfant sourd dans la compensation de son handicap :

Quelques "axes privilégiés":

Cet accompagnement permettra à l’enfant sourd :

  • D’enrichir ses capacités d’expression corporelles, gestuelles, mimiques
  • de l’aider à mieux réguler sa tonicité en situation de communication et en situation d’apprentissage.

Il l’aidera à prendre conscience de son corps, à s’orienter dans son espace environnant par des exercices, des jeux, des situations ludiques, qui seront aussi l’occasion d’augmenter son vocabulaire et ses capacités de représentation mentale.

En lui permettant de prendre conscience de son "axe corporel", il favorisera ses équilibres, son contrôle postural et sa latéralisation.

Il l’aidera à faire des liens entre ses différentes sensibilités afin qu’il ait une représentation de lui-même et de son environnement plus complète et plus aboutie.

Il l’aidera aussi à s’orienter dans le temps, à mieux organiser son activité, à s’inscrire dans un déroulement, à projeter et organiser ses actions.

Le "travail "du rythme est important en psychomotricité et s’inscrit dans cette structuration du temps.

Le rythme et ses "vertus":

Les exercices de rythme ( frappés, dansés, dessinés , chantés etc. ) représentent un moyen privilégié d’accéder à cette première perception et structuration du temps. Par le plaisir qu’ils procurent, ils aident l’enfant sourd à restaurer une part de cet "espace sonore" qui lui fait défaut. L’enfant est invité à découvrir son propre tempo à partir duquel il pourra découvrir et s’adapter à d’autres rythmes plus complexes. Le rythme permet aussi de se relier aux autres et peut se partager collectivement.

"Le rytme et le langage":

Les rythmes et les intonations de la parole ont un rôle important dans l’apprentissage du langage oral.

Le travail du rythme aidera l’enfant à mieux percevoir et mieux reproduire les aspects prosodiques du langage comme l’intonation, l’accentuation, toutes les modulations de la voix, les pauses, les durées. En ce sens, il facilitera l’accès au langage oral.

Le rythme favorise aussi la mémorisation, la coordination des gestes, l’automatisation des mouvements.

L’approche "psychomotrice"

L’approche "psychomotrice" s’appuie sur les points forts que l’enfant a développé pour l’aider à mieux compenser ses manques ou améliorer ses compétences.
Il s’agit de lui proposer des situations ludiques, des explorations concrètes qu’il peut investir en étant sujet de lui même. L’enfant est acteur de ses actes, de ses explorations, mais le travail en psychomotricité ne s’arrête pas là. Chacune de ses expérimentations sera nommée, commentée, comparée. L’enfant pourra ainsi nourrir ses représentations mentales. C’est en s’appuyant sur son vécu corporel et sensoriel que l’enfant accèdera plus facilement à la symbolisation et enrichira son langage.

La psychomotricienne est attentive à ce que l’enfant exprime par son corps.
Engagée corporellement avec l’enfant dans un dialogue entre son propre tonus musculaire et celui de l’enfant, elle accompagnera l’enfant dans sa découverte, lui permettra d’aller au bout de sa démarche et de trouver par lui même un sens à son expérience.

La psychomotricité dans le service :

La psychomotricité s’adresse aux enfants, adolescents et jeunes adultes du service.

Les enfants sont reçus au sein du service dans une salle bien identifiée et équipée pour la psychomotricité.

Pour chaque enfant entrant dans le service la psychomotricienne effectue un bilan psychomoteur.

Ce bilan évalue les compétences psychomotrices de l’enfant et précise ses difficultés éventuelles :

Il peut s’agir de retards dans son développement psychomoteur :

  • De troubles directement liés à sa surdité,
  • de difficultés associées à sa surdité, venant alourdir son handicap.

Le bilan évalue l’impact de ces difficultés sur son autonomie et sur ses apprentissages.

Cette première évaluation va contribuer à une meilleure connaissance de l’enfant au sein de l’équipe pluri-disciplinaire et compléter le diagnostic initial.

Après cette première phase, un suivi en psychomotricité peut être proposé ( en accord avec la décision de synthèse et en accord avec les parents de l’enfant ).

Selon l’âge de l’enfant et la problématique soulevée, le travail pourra varier dans ses prédominances :

"Eveil psychomoteur"

Pour les plus jeunes enfants ( de 3 à 5 ans ), le travail visera plus particulièrement l’éveil psychomoteur :

Il s’agira de compenser le handicap en favorisant toute la sensorialité du jeune enfant.

Ce travail concernera la sensori-motricité : Permettre à l’enfant par des stimulations variées d’explorer son espace environnant et d’explorer ses capacités motrices.
Lui permettre de relier ses sensations kinesthésiques et proprioceptives afin qu’il prenne conscience de son corps dans toutes ses dimensions et qu’il ait une image unifiée de lui-même.

Ce travail se basera sur tous les sens : Favoriser des situations concrètes d’exploration mettant en lien le toucher, la vue, l’ouie l’odorat, le goût pour un meilleur accès au langage et à la symbolisation.

Ce travail favorisera la prise de conscience du souffle et l’affinement des praxies faciales dans le but de favoriser les productions vocales et l’articulation de la parole.

Eveil psychomoteur à visée plus "thérapeutique" et "relationnelle"

En cas de difficultés comportementales, l’approche "corporelle" de l’enfant au travers de jeux moteurs, de jeux d’expression corporelle suscitant de nombreuse interactions avec l’adulte, pourra l’aider à se sentir mieux compris dans son expression spontanée, à mieux repérer ses émotions, à mieux moduler sa tonicité, à enrichir ses capacités de communication.

Prédominance "rééducative" :

Le travail psychomoteur pourra revêtir un aspect plus "rééducatif’" quand l’enfant éprouvera une difficulté plus spécifique ( travail concernant les enfants plus grands à partir de 5-6 ans jusqu’à l’adolescence).

Le travail aura pour but d’améliorer les fonctions perturbées :

  • Les fonctions neuro-motrices de base comme les équilibres, les coordinations gestuelles, la tonicité, le rythme,
  • les habiletés liées aux apprentissages comme les praxies, le graphisme, l’écriture,
  • l’organisation spatiale et temporelle ( repérages fondamentaux, orientation ).
  • Ce travail psychomoteur visera l’amélioration des ces fonctions par le moyen de situations ludiques, d’ exercices, de manipulations, de situations concrètes mettant en jeu l’attention, l’observation, la discrimination, mais aussi la représentation mentale, les enchaînements logiques, la déduction, la créativité.

    Des techniques de relaxation peuvent être proposées et choisies en fonction de l’âge de l’enfant, de ses appétences et de ses capacités.

    Quel que soit le travail entrepris et quel qu’en soit le mode, c’est la globalité du corps qui est toujours prise en compte, chaque fonction psychomotrice étant liée à toutes les autres.